Les travaux de recherche antérieurs à 2007.

  • Cadre théorique général.

Les recherches sont centrées sur une période : le premier XIXe siècle français. Et sur une hypothèse : celle d'une discontinuité, hypothèse émise dans le cadre foucaldien d'un changement d'épistémè au début du XIXe siècle. Comme on le sait, il s'agit de l'hypothèse d'une rupture radicale avec le XVIIIe siècle au travers de la constitution des sciences de l'homme, d'une nouvelle forme de totalisation du savoir, de l'historicisation des objets de connaissance dans le contexte de la révolution industrielle et d'une transformation de la nature du politique. Cette hypothèse, on tente éventuellement de la falsifier en repérant des contre-exemples. Une question est au centre de tous mes travaux : ce qui s'inaugure politiquement, idéologiquement et philosophiquement au début du XIXe siècle n'est-il pas en passe de disparaître, finissant au début du XXIe ? Ou bien, en empruntant quelques schémas à Benjamin, doit-on penser à une forme de "correspondance" sans solution de continuité entre le premier XIXe siècle et nous ? Pour l'examen de ces hypothèses et questions, il va de soi que la perspective est interdisciplinaire. Ainsi suis-je passée d'un ouvrage sur la Comédie humaine à un travail académique sur l'œuvre philosophique d'Auguste Comte, de travaux d'histoire des sciences (Humboldt, …) à l'histoire des idées politiques.

  • Généalogie de la recherche.

Une thèse d'État sur Comte fut une occasion académique féconde. Cette œuvre se veut le dernier système de philosophie, sortie de la philosophie, dans un geste commun avec Hegel et Marx. Mais le fondateur du positivisme s'efforce d'intégrer le progrès, l'éclatement des sciences, à une construction philosophique classiquement systématique, tout en pensant la révolution industrielle et les sciences de l'Homme. À partir de l'examen de cette œuvre qui articule considération des sciences et philosophie politique, plusieurs objets de recherche privilégiés me sont apparus. Leur exploration passe par des travaux d'éditions critiques ou d'examens partiels dont certains ont déjà été réalisés et dont d'autres sont en projet. Le but poursuivi est, à partir de ces travaux préparatoires, de réunir tous les matériaux pour aboutir à un ouvrage de synthèse sur le premier XIXe siècle français dont le titre très provisoire est L'invention du XIXe siècle, ouvrage qui aura pour ambition de répondre aux questions théoriques ci-dessus énoncées et de prendre position par rapport aux principaux commentaires concernant ces problèmes et cette période (Foucault, Bénichou, Benjamin, …).

  • Les objets-clés de la recherche.

Les formes de totalisation du savoir : le Cours de philosophie positive d'A. Comte et L'Encyclopédie de Diderot-d'Alembert, la Comédie Humaine de Balzac et La divine comédie de Dante, Alexandre de Humboldt (Cosmos) et les grandes sommes naturalistes du XIXe siècle. S'agit-il de tentatives parentes ou profondément différentes ?

Les mots et les concepts voyageurs : je me suis efforcée d'étudier et espère systématiser cette exploration dans l'avenir, les transferts conceptuels entre sciences exactes, sciences humaines, littérature, politique. Le mot d'organisation passe de la science du XVIIIe siècle à la physiologie sociale de Saint-Simon, de la biologie à la sociologie, le mot de réaction passe des sciences exactes à la politique, celui d'intégration des mathématiques à la science politique, celui de solidarité de la biologie à la politique, etc.

L'histoire et l'épistémologie des sciences humaines : de la sociologie (Saint-Simon, Comte), de la géographie (Humboldt), de l'histoire (Michelet), des sciences cognitives (Gall), des sciences économiques (Sismondi) comme point de passage ou de rupture entre l'économie politique classique et le XIXe siècle.